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La réforme des agences de voyage

avr. 10, 2020

La réforme des agences de voyage ou le voyage d’Ulysse


Le projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques déposé au Sénat le 25 mars dernier va faire l’effet d’une petite bombe dans le secteur des agences de voyages, tant la réforme de leur statut juridique évoquée depuis les années 1990 finissait par ressembler à l’épopée d’Ulysse.

 

Rappelons que si les activités sont régies par le principe de la liberté du commerce et de l’industrie , il peut paraître nécessaire de les soumettre à autorisations lorsque l’intérêt général le nécessite. Ainsi dès la fin des années 1930, les pouvoirs publics décident de réglementer l’organisation des voyages afin de ne pas laisser les touristes démunis à plusieurs kilomètres de leur domicile sans conditions prévues pour leur rapatriement, et aussi parce que 1936 marque le début des congés payés et donne un nouvel essor à cette activité de voyage : il faut dès lors l’encadrer. La loi du 19 mars 1937 obligera les professionnels du voyage à obtenir une licence et un cautionnement pour couvrir les risques d’insolvabilité.

 

Cette réglementation sera refondue par la loi du 11 juillet 1975 qui fixera de façon plus précise les conditions d’exercice des activités relatives à l’organisation de voyages et de séjours. Puis, la loi n°92-645 du 13 juillet 1992 modifiera plus profondément cette matière et notamment ouvrira la commercialisation des voyages et des séjours et renforcera la protection des consommateurs, notamment avec la transposition de la directive 90/314/CEE du 13 juin 1990 concernant les voyages puisque l’Europe s’intéresse enfin à ce secteur. Enfin, l’ordonnance n° 2005-174 du 24 février 2005 ratifiée par la loi n° 2006-437du 14 avril 2006 rendra applicable la partie législative de cette réglementation mais la non publication de la partie réglementaire videra de sens la réforme et la rendra totalement inapplicable. Sans l’arrivée de la directive du 12 décembre 2006 /123 CE relative aux services dans le marché intérieur que la France doit transposer avant le 28 décembre 2009, il est fort à parier que comme Pénélope attendant Ulysse, les utilisateurs du code du tourisme et de la législation touristique attendraient encore l’aboutissement de cette réforme. Le projet de loi de modernisation des services touristiques qui sera débattu en avril devant le Sénat permettra - si toutefois il est adopté dans sa forme par le parlement - de disposer d’une nouvelle réglementation pour les agences de voyage.

 

Mais quelle est la réalité de ce secteur professionnel ?

L’essor des compagnies à bas coûts et le développement accéléré d’internet ont profondément modifié le comportement du consommateur qui aspire davantage à des voyages sur mesure . Or ce type de démarche touche principalement les catégories socio-professionnelles élevées plus autonomes dans la confection de leur voyage, mécanisme qui a dès lors une incidence forte sur les recettes des agences de voyage. La vente par internet s’accroît à un rythme très rapide pour représenter aujourd’hui près de 24% des ventes. D’ailleurs, certaines agences de création récente (voyages-SNCF.com, Opodo.fr, Expedia.fr, Lastminute.com) opèrent uniquement sur Internet. Grâce au rapprochement qu’il induit entre le prestataire et son client, Internet a permis à des producteurs (hôteliers, SNCF, autocaristes, compagnies aériennes) ou à des organismes locaux de tourisme de créer leur propre site d’information et de vente, et de se faire référencer sur des sites importants ou de se regrouper sur des portails communs de réservation (GDS). La consultation des agents de voyages trouve alors moins d’utilité et le consommateur fabrique son voyage lui-même.

Ainsi, en 2006, 12,4 millions de français auraient préparé leur voyage sur internet, soit 40% des français partis en vacances . Néanmoins, Internet reste souvent utilisé pour se renseigner et, la moitié des ventes de voyages s’effectue encore en agence.

Par ailleurs, les tour-opérateurs ont généralement un réseau d’agences physiques doublé d’un site internet, voire des hébergements attitrés tel que Club Méditerranée ou Nouvelles Frontières ou encore une compagnie aérienne affiliée comme c’est le cas pour la compagnie Corsair de Nouvelles Frontières.

Ces chiffres montrent que les agences de voyage physiques sont confrontées à une concurrence accrue avec internet même si quelques consommateurs continuent de préférer confier la confection de leur voyage à des personnes physiques avec lesquelles ils vont pouvoir échanger. Par ailleurs, en affichant une éthique forte, elles captent parfois une population particulière. Ainsi, 83 % des voyageurs sont prêts à choisir une agence de voyage qui a une démarche de tourisme responsable.

 

Quelle est l’organisation structurelle des agences de voyage ?

Il existe en France entre 1500 et 2000 agences de voyages indépendantes non affiliées à des voyagistes, représentant plus d’un tiers des agences de voyages, alors que ce type d’agence ne représente que 10% des agences en Allemagne. Ces agences indépendantes survivent en organisant leur activité autour de niches ou en accroissant leurs marges et la valeur totale du produit vendu. Force est néanmoins de constater que certaines sont vraisemblablement appelées à disparaître dans les prochaines années. Et dans un contexte économique hypertendu, les agences ou réseaux les plus fragiles seront menacés alors que les opérations de concentration devraient se poursuivre. Ce phénomène est particulier à la France car si les dix premiers tour-opérateurs français représentent un tiers de la vente de voyage en France, ils demeurent loin de la taille moyenne des grands tour-opérateurs allemands ou britanniques : les français voyagent à plus de 80% en France et sollicitent donc moins l’intermédiaire d’un professionnel pour organiser leur voyage. A l’inverse, les Allemands ou Britanniques voyagent beaucoup hors de leurs frontières.

Selon les dernières estimations , il y aurait en France : 4400 agents de voyages (85% ayant moins de 10 salariés et représentant un tiers de l’activité) dont environ 350 tour-opérateurs (les 70 tours opérateurs du Centre d’études des tour-opérateurs – CETO - représentant 80% du chiffre d’affaires), un millier d'associations agrées, 502 organismes locaux de tourisme autorisés, 2605 professionnels du tourisme habilités. La distribution de produits touristiques en France par les agents de voyage représente 164 milliards d'euros dont 12 milliards sont réalisés par les agences physiques (75 % provenant de la billetterie et 25% provenant des ventes sur internet). La réforme arrive donc dans un paysage où les ventes se font encore majoritairement dans des agences physiques de petites tailles et l'ouverture du marché à de nombreux autres organismes va modifier considérablement le paysage. Par ailleurs, en libéralisant le marché, elles vont se trouver en concurrence avec des groupes européens de taille importante, c’est donc une vraie évolution qu’elles vont devoir mener très vite si la France veut éviter que cette réforme ne déclenche des redressements ou liquidations judiciaires en cascade surtout dans le contexte économique actuel particulièrement difficile où l’on annonce que 50% des français ne partiront pas en vacances.

Pourtant, la directive services qui a provoqué cette réforme majeure affiche une volonté politique forte : celle de vouloir favoriser la croissance économique et l’emploi dans l’Union européenne dans la continuité de la stratégie de Lisbonne. Si actuellement, de nombreux obstacles au marché intérieur empêchent les entreprises de service, et en particulier les PME de se développer au delà des frontières nationales et de bénéficier pleinement du marché intérieur, il faut cependant espérer que la transposition de cette directive n’aboutira pas à des plans de licenciement massif parce que les petites agences n’auront pu faire face à l’explosion de la concurrence.

 

Quelle est l’incidence de la directive service sur le régime juridique des agences de voyages ?

Il faut tout d’abord reprendre la philosophie de cette directive. Pour la libéralisation de ce secteur, un certain nombre de difficultés juridiques et administratives, obstacles au développement des activités de service vont devoir cesser, et les exigences nationales restantes devront être non discriminatoires, nécessaires et proportionnée, reprenant ici un principe cher au droit européen et droit administratif français. La directive permet ainsi de faciliter l’exercice de deux libertés fondamentales consacrées par le traité CE : la liberté d’établissement et la libre circulation des services. En cela, les droits des consommateurs seront renforcés puisqu’ils auront davantage de choix sur le type d’opérateur existant. Echappent seulement à cette directive, les services d’intérêt économique général lorsque l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique ou encore la protection de l’environnement seront en jeu. Sont ainsi exclus, à titre d’exemple, les services de transport, les soins de santé, les services sociaux dans les domaines du logement, de la garde d’enfants, des personnes dans le besoin, c’est à dire tous les services essentiels pour garantir le droit fondamental à la dignité humaine qui entrent dans les principes de cohésion sociale et de solidarité.

Pour exercer l’activité d’agent de voyage, il faut aujourd’hui bénéficier d’une autorisation administrative et c’est par ce biais que les agences vont être concernées. Ainsi, la notion d’autorisation recouvre les procédures administratives par lesquelles sont octroyés des autorisations, des licences, des agréments ou concessions mais aussi l’obligation pour pouvoir exercer une activité d’être inscrit à un ordre professionnel ou dans un registre, dans un rôle ou dans une base de données, d’être conventionné auprès d’un organisme ou d’obtenir une carte professionnelle. Des mesures doivent être prises par les différents Etats – et c’est l’un des objets de la loi de développement et de modernisation des services touristiques – pour simplifier la procédure administrative et les formalités qui en raison de leur lourdeur font obstacle à la liberté d’établissement et à la création de nouvelles entreprises de services. L’introduction d’un guichet unique et la limitation de l’obligation d’autorisation préalable sont des conditions indispensables et visent à assurer les exigences de transparence et de mise à jour des informations relatives aux opérateurs.

Enfin, le principe d’exclusivité attaché au régime de la licence d’agence de voyage est remis en cause par l’article 25-1 de la directive services qui demande aux Etats membres de la supprimer. L’article L.212-3 du code du tourisme est ainsi contraire à l’esprit de cette directive puisqu’il précise que : « les titulaires d’une licence d’agent de voyages établis sur le territoire national doivent exclusivement se consacrer à cette activité ». Toutefois, L'article 107 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie avait fait une légère entaille à ce principe en le complétant par les mots : «, sauf lorsque celle-ci constitue l'accessoire de l'organisation et de l'accueil des foires, salons et congrès ». Une seconde entaille existait déjà en permettant aux agences de voyages d’exercer une activité de location saisonnière de meublés (loi Hoguet du 2 janvier 1970).

Enfin, notre législation était également contraire à l’article 14-6 de la directive services qui interdit que des opérateurs concurrents interviennent directement ou indirectement y compris au sein d’organismes consultatifs dans l’octroi d’autorisation administrative : cas des Commissions départementales de l’action touristique .


Mais pour comprendre les évolutions de cette réglementation dans le cadre de la transposition de la directive, rappelons avant tout le régime actuel applicable.

 

I – Le régime juridique actuel de la vente de voyage

Le régime de la vente de séjours et de forfaits défini à l’article L.211-1 du code du tourisme peut être exercé selon quatre régimes d’autorisations préalables.


Qu’englobe ce texte ?

Il doit s’agir d’opérations consistant en l’organisation ou la vente de voyages ou de séjours individuels ou collectifs, ou de services pouvant être fournis à l’occasion de voyages ou de séjours notamment la délivrance de titres de transport, la réservation de chambres dans des établissements hôteliers ou dans des hébergements touristiques, la délivrance de bons d’hébergements ou de restauration, des services liés à l’accueil touristique, notamment l’organisation de visites de musées ou de monuments historiques, ou encore d’opérations liées à l’organisation de congrès ou de manifestations apparentées, mais aussi aux opérations de production ou de vente de forfaits touristiques ou aux opérations liées à l’organisation de congrès ou de manifestations apparentées.

Est considéré comme forfait touristique, la prestation résultant de la combinaison préalable d’au moins deux opérations portant respectivement sur le transport, le logement ou d’autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement et représentant une part significative dans le forfait, qui dépasse 24h ou incluant une nuitée et vendue ou offerte à un prix tout compris.

Aujourd'hui il existe quatre régimes d'autorisations administratives pour exercer ce type d’activité: la licence, l’habilitation, l’agrément, l’autorisation.

 

1) la licence

Tout d’abord, la licence est le régime juridique le plus strict pour ce type d’activité qui doit être exercée à titre exclusif . Elle peut être demandée par toutes les personnes physiques ou morales ayant la qualité de commerçant qui veulent organiser ou vendre des voyages et des séjours. Elle est attribuée au nom de l’Etat par le préfet après avis du comité départemental du tourisme. Les licences sont réputées accordées à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date de la décharge ou de l'accusé de réception du dossier complet émis par l'administration, délai dérogatoire au délai de droit commun de deux mois prévu par la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Elle peut être retirée si son titulaire ne satisfait pas aux conditions d’exercice ou commet des manquements graves et répétés aux obligations imposées par la loi et le décret.

Sa délivrance est subordonnée aux conditions suivantes :

- Ne pas être frappé d’une incapacité ou d’interdiction d’exercer mentionnées à l’article L. 211-19 du code du tourisme

- Justifier d’une assurance garantissant des conséquences pécuniaires de la responsabilité civile et d’une garantie financière suffisante

- Etre dirigée par une personne justifiant d’une aptitude professionnelle y compris pour les succursales et points de vente, et présentant des conditions de moralité jugées suffisantes

- Avoir des locaux adaptés sur le territoire ou sur celui d’un autre Etats membres de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’espace économique européen.

Un premier pas de libéralisation avait été fait puisque cette réglementation a été ouverte aux ressortissants communautaires ou autres Etats partie à l’accord sur l’espace économique européen depuis l’ordonnance n°2008-507 du 30 mai 2008 transposant la directive 2005-36 du 7 septembre 2005 . Toutefois cette ouverture est liée à des conditions strictes relatives à l’aptitude professionnelle des personnes.

 

2). L’habilitation

L’habilitation définie par l’article R.213-28 du code du tourisme (puisque l’article L.213-1 n’est pas applicable en raison de l’absence de partie réglementaire) concerne les gestionnaires d’hébergements classés, les gestionnaires d’activités de loisirs, les transporteurs de voyageurs autres que les transporteurs routiers, les agents immobiliers et administrateurs de biens dont l’activité est régie par la loi n°70-9 du 2 janvier 1970.

Néanmoins pour bénéficier d’une habilitation, il faut :

- justifier de son aptitude professionnelle

- ne pas être frappée de l’une des incapacités ou interdictions d’exercer visées à l’article L.211-19 du code du tourisme

- justifier d’une assurance garantissant les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle

- justifier d’une garantie financière suffisante.

 

3). L’agrément

L’agrément concerne les associations et les organismes à but non lucratif qui ne se livrent à ces opérations qu’à l’occasion de leurs assemblées générales ou de voyages occasionnels ou encore les centres de loisirs et de vacances, les centres de placement de vacances pour les jeunes de moins de 18 ans, des villages de vacances ou des maisons familiales agréées . Il est délivré par le préfet du département, après avis de la commission départementale de l’action touristique. Là encore des conditions de garanties financières et de responsabilités civiles sont prévues.

 

4) L’autorisation

L'autorisation concerne les organismes locaux du tourisme (offices de tourisme et service de loisir accueil) qui bénéficient du soutien de l’Etat, des collectivités territoriales ou de groupements et qui se livrent ou apportent leur concours dans l’intérêt général, aux opérations permettant de faciliter l’accueil ou d’améliorer les séjours de conditions des touristes dans leur zone géographique d’intervention. L’autorisation est délivrée par le préfet de département, mais cette fois-ci pour des opérations limitées à la zone d’intervention locale. Un régime de garantie financière et de responsabilité civile est exigé.

Pour ces quatre régimes, il existe donc :

- une autorisation administrative délivrée par le préfet du département

- une obligation de garantie financière. Elle peut être apportée par un établissement de crédit (banque), un organisme de garantie collective, une compagnie d’assurance, ou par un fond de réserve affecté à cet usage. La garantie financière trouve sa justification dans le fait que les prestations touristiques sont payées en partie ou en totalité avant la délivrance de la prestation. En cas de faillite ou de disparition de l’entreprise, les clients pourront être remboursés ou bénéficier d’une prestation de même consistance, ou être rapatriés.

- Obligation d’une assurance de responsabilité civile professionnelle afin de couvrir les risques et accidents des clients au titre de la mise en jeu de la responsabilité de plein droit du vendeur. Ainsi l’article L.211-17 du code du tourisme précise que toute personne qui se livre aux opération visées à l’article L.211 est responsable à l’égard de l’acheteur, de la bonne exécution des obligations résultants du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires.

Ces quatre régimes sont donc exigeant en fonction du niveau d'autorisation administrative : la licence étant le régime le plus contraignant. En revanche, du point de vue du consommateur, la garantie fournie est essentielle et respecte le professionnalisme que doivent avoir ceux qui leur fournissent du voyage.

Enfin les conditions d’aptitudes sont extrêmement lourdes, il faut donc se réjouir de voir le système se simplifier.

 

II – Les principales avancées de la réforme

La transposition de la directive dite « services » dans l’ordre juridique interne français par la loi de modernisation des services touristiques réforme de façon majeure la profession d’agent de voyage en l’ouvrant à des personnes justifiant d’une expérience suffisante en la matière, en supprimant les quatre régimes d’autorisation administrative au profit d’un régime unique déclaratif ainsi que la condition d’exclusivité très contraignante pour cette profession mais, et c’est essentiel, en maintenant les garanties offertes jusqu’alors aux consommateurs.

 

1 - les garanties de protection du consommateur sont maintenues

Le nouveau dispositif prévu par la loi de développement et de modernisation des services touristiques veille à ne pas diminuer le niveau de protection garanti aux consommateurs par rapport à celui qui existe aujourd’hui en droit français, principe que l’on retrouve par ailleurs dans la plupart des directives européennes. Ainsi, les conditions de garantie financière destinées à assurer, en cas d’insolvabilité ou de faillite, le remboursement des fonds et le rapatriement du consommateur sont maintenues. Et il faut même s’autoriser à penser que devant le développement prévisible du nombre de demandes lié à l’ouverture de cette activité à la concurrence, les assureurs auront désormais le vrai pouvoir d’autoriser l’exercice d’une activité de vente de voyage, car sans la délivrance de l’assurance, toute activité sera impossible. On peut s’attendre - et c’est préférable pour le consommateur - à l’élévation du nombre de conditions qu’il faudra pour être assuré. L’élaboration d’un label qualité tourisme spécifique pourrait être élaboré dans les années à venir afin de récompenser les professionnels les plus sérieux.

Par ailleurs, le régime de responsabilité de plein droit est maintenu mais s’appliquera dans la limite des conventions internationales. Il s'agit pour le transport aérien des conventions de Varsovie de 1929 et de Montréal du 28 mai 1999, pour le transport ferroviaire de la convention de Berne du 9 mai 1980 et pour le transport maritime de la convention d'Athènes du 13 décembre 1974. Cet apport du projet de loi rétablit une concurrence équitable entre les agences de voyage françaises et celles des grands pays européens (Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Italie et Espagne) qui bénéficiaient d’une transposition plus souple de la directive de 1990 : l'organisateur peut invoquer une limitation de sa responsabilité si celle du prestataire est limitée conformément aux conventions internationales qui régissent ces prestations. Si les agences sont soumises à la responsabilité de plein droit (leur faute est donc présumée) alors qu'elles exercent leur activité traditionnelle, elles en sont déchargées, aux termes de l'article L. 211-18 du code du tourisme lorsqu'elles vendent des billets d'avion, de bateau ou de train « secs », c'est-à-dire sans prestation annexe . Dans ce cas, le législateur a en effet considéré que l'agence détenait un simple mandat et qu'en cas de problème, il était logique que le consommateur se retourne directement contre la compagnie de transport.

Cette solution simple a été remise en question s'agissant des agences en ligne du fait de l'interprétation combinée des dispositions figurant dans le code du tourisme ou dans le code de la consommation : la loi n° 2006-437 du 14 avril 2006 a soumis les agences en ligne à certaines dispositions du code civil et du code de la consommation (codifié à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 211-1), afin que les règles relatives à la vente à distance applicables aux sites Internet le soient aussi aux agences en ligne . Le code du tourisme n'était pas très clair sur les dispositions s'appliquant de manière prioritaire et les jurisprudences ont été variées, concluant généralement à l'application du code du tourisme plutôt que du code de la consommation, évitant ainsi d'appliquer une responsabilité de plein droit aux agences en ligne sur les vols « secs » qu'elles vendent. Le projet de loi clarifie ainsi les régimes de responsabilités de façon plus clair et transparente pour les consommateurs et les agences de voyage.

 

2 – la fin des quatre régimes d’autorisations

Le régime des quatre autorisations était complexe à mettre en œuvre et nécessitait un examen de chaque dossier par le préfet et la commission départementale d’action touristique qui dans sa composition (professionnels du tourisme) contrevenait aux dispositions de la directive services.

Le nouveau régime met fin aux quatre régimes d’autorisation liés au statut de l’opérateur par un dispositif déclaratif unique applicable à tous les opérateurs et consacre l’application du principe « mêmes droits, mêmes obligations ». Désormais, l’agence de développement touristique créée sous forme de GIE (résultant du regroupement d’ODIT France et de Maison de la France) centralisera et simplifiera le contrôle des conditions d’accès à l’activité, à travers un dispositif de déclaration et d’enregistrement dans un registre au niveau national, avec délivrance d’un numéro d’immatriculation dès lors que les conditions sont remplies. Les critiques ont été nombreuses sur la question de confier à un groupement d’intérêt économique une fonction régalienne qui appartenait jusqu’alors au préfet de département. Cette solution juridiquement innovante fera peser sur l’agence une lourde responsabilité, raison supplémentaire pour considérer q’un second contrôle sera opéré par les assureurs directement impliqués en cas de défaillance de l’agence de voyage.

Par ailleurs, les agents de voyage pourront diversifier leurs activités puisqu’ils ne seront plus soumis au principe d’exclusivité contraire aux objectifs fixés par la directive européenne.

 

3 – L’ouverture de la profession à des personnes justifiant d’une expérience suffisante dans le secteur du tourisme

Les conditions d’accès à la profession, attestées par un certain niveau de formation et par de l’expérience professionnelle, étaient destinées à s’assurer des compétences du vendeur de voyages et à prévenir les abus. Mais ces conditions étaient trop strictes et fermaient la profession aux européens qui auraient voulu s’établir en France, même si quelques adaptations avaient été introduites par l’ordonnance du 30 mai 2008.

Désormais, chaque opérateur de voyages pourra justifier de conditions d’aptitude professionnelle :

- soit par la réalisation d’un stage de formation professionnelle ;

- soit par l’exercice d’une activité professionnelle en rapport avec des opérations touristiques ;

- soit par la possession d’un diplôme, titre ou certificat mentionné sur une liste fixée par arrêté pris par les ministres chargés du tourisme et de l'éducation.

Ce dispositif aux conditions alternatives maintient la condition d’aptitude professionnelle, tout en évitant d’introduire des barrières insurmontables à l’entrée dans la profession.

 

4 – la suppression de la condition nécessitant de disposer d’un local approprié

Cette condition était inappropriée compte tenu de l’évolution de l’activité (développement d’opérateurs internet, disparition du matériel dédié pour l’édition de billets d’avion…) et constituait une entrave inutile au démarrage de l’activité pour les nouveaux opérateurs. Ils devront simplement disposer d’une adresse du siège de l’entreprise ou de l’organisme qui vend du voyage pour porter réclamation, effectuer les contrôles, etc.

 

5 – la déspécialisation des baux commerciaux

La fin du principe d’exclusivité qui résultait du régime de la licence signifie que désormais les agents de voyage vont pouvoir exercer d’autres activités. Cela signifie du point de vue du droit des baux commerciaux régi par le décret n°53-960 du 30 septembre 1953 que les locaux devront pouvoir changer de destination et que le bail devra pouvoir être déspécialisé, ce qui est déjà aujourd’hui possible lorsque les activités sont connexes à l’activité principale. Cette possibilité doit donc être prévue pour les agents de voyage.

La réforme des agents de voyage est certainement le point phare du projet de loi de développement et de modernisation des activités touristiques au regard du nombre de professionnels de cette activité qui vont être concernés (même si des dispositions transitoires devraient être adoptées) mais aussi parce que d’un point de vue emblématique, cette profession est au centre de toute l’activité touristique. Elle contribuera à renforcer une législation déjà bien détaillée qui nous assure un rôle leader sur cette question, puisque notre code du tourisme reste très observé par la plupart des pays concurrents . Et il faut se réjouir que ce droit nouveau, au même titre que certains droits reconnus récemment comme le droit de l’environnement fasse émerger un corps de règles nouvelles signe que le tourisme est au confluent de préoccupations économiques, sociales et environnementales nouvelles.

 

Laurence Jégouzo

Maître de conférence à l’Université Paris I, Panthéon-Sorbonne (IREST)

Directeur du Master II droit du tourisme



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